La vie des modèles

Ou comment optimiser les investissements en budgets d'études hydrauliques.

Un récent article : " Get More Out of Water Resources Engineering Models " par le Docteur Venu Kandiah, a résonné avec des problématiques que l'on rencontre souvent dans les études hydrauliques :

  • Quelle est la durée de vie des modèles construits dans le cadre d'une étude spécifique ?
  • Quel usage en est-il fait ? seront-ils réexploités par la suite ou mis au placard ?
  • In fine, quel est le retour sur investissement de la collectivité pour ces outils coûteux à mettre en oeuvre, s'ils sont utilisés une seule fois, dans un contexte spécifique ?

A cette heure où l'on parle beaucoup d'OpenData, ces données que représentent les modèles sont plus que jamais un atout, à exploiter et valoriser dans l'intérêt général.

Dans les faits :

Beaucoup de marchés impliquant de la modélisation hydraulique (cartographie de l'aléa inondation, étude de dimensionnement d'aménagements, schémas directeurs etc...) n'incluent pas la fourniture des modèles construits et exploités dans le cadre d'une étude, hormis les marchés très spécifiques centrés sur la modélisation, qui ne représentent pas la majorité des appels d'offre.

Quelques raisons possibles :

  • La plus simple : lorsque ce n'est pas l'objectif premier d'un marché, l'opportunité de disposer des modèles n'a pas été envisagé
  • Pour des questions budgetaires, la transmission des modèles par les bureaux d'études impliquant souvent un surcoût (qui s'avère souvent beaucoup plus important lorsque la transmission est demandée à posteriori, après la réalisation du marché initial)
  • Par manque de structure adaptée ou de compétences techniques pour assurer le maintien et l'exploitation des modèles
  • Etc...

La logique à court terme prévaut souvent sur les réflexions à long terme.

Les modèles hydrauliques représentent un patrimoine à valoriser pour les collectivités

Ces outils nécessitent des budgets conséquents, issus de l'argent public
  • Ils nécessitent des données précises, elles-mêmes coûteuses à acquérir : levés topographiques, LIDAR, données hydrométriques et hydrologiques, données SIG diverses.
  • Ils nécessitent une expertise particulière et du temps pour :
    • collecter et analyser les données qui vont constituer le modèles et permettre de l'exploiter ;
    • analyser les meilleures approches à mettre en oeuvre, tant sur la modélisation hydrologique (approche statistique, modélisation pluie débit, hydrologie distribuée), que le volet hydraulique (approche 1D, 2D, couplée 1D/2D, 3D locale, modélisation des réseaux, des cours d'eau, d'un système réseau/cours d'eau interconnecté) ;
    • analyser le territoire d'étude et le retranscrire dans son équivalent "numerique" en représentant bien son comportement hydrologique et hydraulique ;
    • construire le modèle, intégrer ses constituants, en respectant les hypothèses liées à chaque mode de représentation choisi.
    • procéder aux ajustements permettant de garantir la fiabilité du modèle, analyser ces résultats de manière critique, via notamment la mise en oeuvre d'analyses de sensibilité et  l'évaluation des incertitudes.
 
vue lidar CRIGE Vue du LIDAR du CRAIG
Les collectivités ont intérêt à disposer de leurs modèles à l'issue des marchés et études qu'elles font réaliser

le modèle fait partie intégrante des productions d'une étude, il est important de le conserver, associé aux rendus (plans, rapports, conclusions), pour permettre une reproductibilité des résultats en toute transparence. elles peuvent ainsi se constituer un patrimoine d'outils, à intégrer sur le long terme à leur système d'information, au même titre que l'ensemble des données qu'elles collectent ou font produire pour améliorer la connaissance de leur territoire. La conservation des modèles permet en parallèle la conservation de l'ensemble des données (sections de cours d'eau, coupes d'ouvrages, etc...) ayant servi à sa construction. pour garantir une concurrence équitable sur les marchés publics, et éviter un effet de verrouillage avec un prestataire particulier qui dispose du modèle. pour être autonomes et indépendants dès lors qu'il s'agit de réaliser des calculs complémentaires, dans la continuité d'études réalisées, mais qui n'auraient pas été anticipées au stade de l'appel d'offre ou dans le marché.

Quels usages pour les modèles, au delà de l'étude classique ?

Une fois construits, les modèles peuvent avoir de multiples ré-utilisations :

  • a minima, poursuivre leur exploitation dans la continuité de l'étude pour laquelle ils ont été construits, par exemple :
    • pour la cartographie de l'aléa inondation : apporter des compléments à l'aléa initial, affiner les cartographies avec des données topographiques ou hydrologiques mises à jour et plus précises, intégrer de nouveaux phénomènes (remontée de nappe, ruissellements, etc...)
    • pour la définition d'aménagements : disposer d'un outil pour tester de nouveux scénarios d'aménagement, étendre le secteur d'étude, etc...
  • améliorer la compréhension et la représentation du fonctionnement de leur territoire, en exploitant les modèles pour analyser la réponse des secteurs non équipés de stations de mesure
  • être mutualisés avec d'autres acteurs du territoire poursuivant des objectifs différents : un modèle pourra parfaitement être exploité par un EPCI pour définir des aménagements et mettre à jour son PLU en intégrant le risque inondation, tandis que d'autres acteurs l'exploiteront dans le cadre de la prévision de crue, ou pour la gestion de crise, dans le cadre notamment de la mission de Référent Départemental Inondation, assumée par les DDT(M)

Comment faciliter la transmission des modèles ?

Le choix du logiciel de modélisation influence forcément les possibilités de transmission du modèl, il n'existe pas encore de standard permettant de transférer l'intégralité d'un modèle d'un logiciel vers un autre tout en conservant un modèle fonctionnel, une opération humaine est toujours nécessaire. De nombreux logiciels proposent cependant des passerelles d'import, qui permettent de transmettre à minima 80 à 90 % des éléments constitutifs d'un modèle (ICM, Floodmodeller, etc...).

Pour faciliter la transmission des modèles, il est nécessaire de récupérer l'ensemble des données constituant le modèle :

  • Dans le format propre au logiciel (qu'il s'agisse d'une base de données, ou d'un ensemble de fichiers organisés en arborescence), en conservant les géométries, les fichiers d'entrée correspondant aux différents scénarios hydrologiques simulés, les fichiers de configuration des simulations ainsi que les résultats. 
bdd 
  • Sous la forme de fichiers aux formats génériques et répandus :
    • fichiers géoréférencés Shapefile pour les géométries
    • tables CSV pour les conditions aux limites des modèles
    • exports de résultats en tables csv pour les séries temporelles
    • fichiers shapefile ou ascii pour les résultats géographiques
 groupeicones

Il est primordial également de disposer d'une documentation détaillant clairement les logiciels exploités, leurs versions, les données utilisées pour la construction du modèle, les différentes hypothèses, etc...

Comment assurer le maintien des modèles dans le temps ?

Pour conserver ces modèles fonctionnels, et pouvoir ainsi valoriser ce patrimoine, il est nécessaire d'assurer à la fois la pérénnité et l'intégrité des données dans le temps, et de mettre à jour les modèles pour suivre les évolutions logicielles, notamment lorsqu'on arrive à un changement de "génération" de logiciel, tels que le passage d'HEC RAS 4.x à 5.x, d'Infoworks RS à Infoworks ICM, ou encore d'ISIS à Floodmodeller, etc...  Qui font gagner les modèles en fonctionnalités, en précision et en efficience. Cette (re)prise de contrôle des modèles par les Maitres d'Ouvrage fait partie de notre philosophie de travail, nous pouvons vous assister dans cette voie, par un accompagnement technique, des formations, en encore des traductions et mises à jour de modèles vers de nouvelles générations de logiciels, comme nous avons pu le faire dans le cadre d'un marché réalisé en Belgique pour le VMM, en partenariat avec Hydroscan, n'hésitez pas à nous contacter.

ICM, Modélisation